Depuis trente ans, le virtuel est célébré. Gloire aux sites, aux rencontres avataresques, aux achats en ligne, aux objets connectés, aux visioconférences.
Le confinement où chacun est appelé à se tenir devient le royaume du virtuel. Vous pouvez en consommer jusqu’à l’indigestion. Le faites-vous ?
Pour la première fois, l’essentiel vous manque : la présence de l’autre. Le toucher soyeux, la sensualité de la voix, la corpulence ou les courbes, la démarche, le regard et ces infimes inflexions de l’être en mouvement qui donne à la journée une âme et au temps de l’épaisseur.
Cette absence crée le désir de l’autre dans un espace commun déserté. La valeur suprême redevient enfin la présence de l’autre, que l’on déteste et que l’on aime, parce que tout est compliqué dans la vie des hommes.
Le trop fameux « Celle-là, celui-là, je ne peux pas le sentir » nous manque. Nous aimons en fin de compte ces colères rentrées venues de l’encombrement d’autrui. Son ombre m’importune et son sourire me plaît. Cet immense "en même temps" m'envahit.
« Être le con de quelqu’un » nous manquerait presque pour autant qu’on nous le dise en face et qu'un débat fortissimo commence, joyeux et sans nuance. A deux on se dispute, à trois, on chante. Cela nous manque aussi.
Je rêve de ce jour lumineux où le confinement levé, nous nous retrouverons pour faire la fête et danser pour se toucher et frémir. Rire pour se voir et se sentir vivant dans les yeux de l’autre.
Le désir, c’est un tramway bondé, la nuit…
Alors, veillez sur vous.
Vous veillerez sur nous.