Le désarrois étreint tellement le dirigeant qu’il ose une question de nitroglycérine : « Tu n’aurais pas l’un ou l’autre truc pour pitcher ».
Rien ne me pousse plus vers la colère.
L’art oratoire est l’une des formes les plus sophistiquées de la relation humaine. Comment considérez-vous votre interlocuteur si vous réduisez votre parole à une somme de trucs ? Quelle estime avez-vous de vous-même si vous compilez des tips ?
Ma colère naît du si peu de hauteur dans laquelle vous tenez l’homme. Vous vous transformez en machine et l’autre en mécanisme ! Vous faites le lit des logiciels ; vous donnez votre âme aux robots. Il n’y a pas plus indigne dégradation.
Personne ne pourra vous garantir de l’efficacité de la parole. Même le plus habile des avocats, ou le plus adroit des procureurs. La parole lancée féconde le cœur et l’esprit de l’autre par la clarté des idées qu’elle porte et la richesse des émotions provoquées. Nul ne sait quel jaillissement adviendra. Le mystère de la liberté créatrice commence là.
Peut-être l’orateur ramènera-t-il l’autre à sa cause. Peut-être pas. L’entreprise n’est pas un prétoire et le dirigeant, souvent, doit expliquer à nouveau sa stratégie et en consolider le bien-fondé.
Les angles droits nous sont étrangers. Nous nous pensons rationnels. Quelle indigne simplification. Nous sommes d’une complexité imprévisible. Et l’art oratoire tient en haute considération la liberté de l’autre, avec une précision telle qu’il distingue l’influence de la manipulation.
S’adresser à l’autre par la parole, c’est oser considérer la liberté de l’autre jusqu’à son refus obstiné.